Habitées par l’histoire et par nos transmissions mémorielles, Margaux Eskenazi et Alice Carré explorent les années 80, période d’utopie et d’un rendez-vous manqué : celui de l’intégration des enfants d’immigrés.

À la jonction de l’intime et du collectif, la compagnie Nova crée des spectacles comme des épopées, et sonde notre passé parfois douloureux pour penser la France contemporaine. Après Et le cœur fume encore, sur la guerre d’Algérie, qui aurait dû être accueilli en 2020, 1983 revient sur la marche pour l‘égalité et contre le racisme, nommée « Marche des beurs ». Une manifestation pacifique entreprise à Marseille en 1983 par 17 jeunes Français, sur fond de graff, de raï et de rock, et accueillie à Paris par 100 000 personnes.
Deux ans et demi après l’élection de Mitterrand, premier président socialiste de la Ve République, et en dépit d’une année émaillée de faits divers racistes, la jeunesse issue de l’immigration croit encore en un monde fraternel, dans lequel elle aurait sa place. Mais entre le tournant de la rigueur, les violences policières et l’émergence du FN, l’euphorie sera de courte durée.
Pour écrire ce spectacle, Margaux Eskenazi et Alice Carré ont mené, comme à leur habitude, un travail de recherche historique et documentaire. Un terreau qui donne justesse et densité à leur théâtre, porté par une troupe de jeunes comédiens de talent. Une fresque vivante et musicale – Rachid Taha et son groupe Carte de séjour sont les symboles de cette époque « Touche pas à mon pote » – aussi passionnée qu’engagée sur la France d’hier et d’aujourd’hui et sur la manière dont on fait, ou non, société.