Angelin Preljocaj compose une nouvelle fois une oeuvre d’une grande force en s’emparant du romantique Voyage d’hiver de Schubert. Un magnifique et mélancolique ballet créé initialement pour la Scala de Milan.

Dans un décor qui n’est plus que cendres brillantes, douze danseurs chorégraphient le plus célèbre cycle de lieder de Schubert, Die Winterreise, composé en 1824 à partir de poèmes de Wilhelm Müller. Ce ballet contemporain narre la mélancolie et le désespoir dans lesquels plonge un jeune homme à la suite d’une déception amoureuse. Ce voyage d’hiver – Winterreise, en allemand – est donc bien une évocation de la fin de l’amour.
Angelin Preljocaj convoque ici les principaux motifs du romantisme allemand et la virtuosité des interprètes tient à la manière dont ils se font, ensemble, passeurs des émotions qui traversent un seul être. La force de suggestion du chorégraphe est saisissante dans une pièce qui fait appel aux sens et aux émotions, traversés par l’évocation de la nature. Une profonde tristesse ne peut-elle se transformer en douce mélancolie, et même laisser poindre la joie, lorsque l’on arrive à déceler la beauté dans un paysage ? La gravité du sujet n’enlève en rien – et même augmente – la grâce des mouvements. Quant à la lumière, elle se déploit sous forme d’éclaircies fulgurantes, indubitables notes d’espoir apparaissant par pointes impressionnistes. À travers ce grand ballet, Angelin Preljocaj nous transmet le goût incommensurable de la beauté, même lorsqu’elle se teinte d’obscurité.